Il y a plusieurs façon d’aimer la mode…
Moi ce qui me fascine, c’est l’acte de création. Qu’est-ce qui fait qu’un créateur donné va créer ce type de vêtement, bijou, accessoire, chaussure, etc… à partir d’une inspiration donnée?
Comment on passe de Chapeau Melon et Bottes de Cuir à Hermès ?
Ou encore de Vigée Le Brun, à Coppola puis à Lancôme?
Dans le premier exemple, le lien saute aux yeux, c’est une référence directe. Dans la seconde série de photos, le lien entre le portrait de Marie-Antoinette et la collection Lancôme est beaucoup moins évident. C’est un lien indirect, qui joue plutôt sur les valeurs, les impressions attachées à la référence. Le fait de connaître l’étape intermédiaire – la vision de Sofia Coppola – permet de mieux comprendre ce lien.
La création ne s’explique pas, elle ne peut que se constater. L’inspiration peut venir de choses infimes, qui ont ou non un rapport avec le thème de départ et / ou le produit final.
Ca c’est le côté magique, presque mystique, sexy et fun de la création.
Mais vous le savez, aujourd’hui le (méchant?) marketing a gagné des lettres de noblesse en mode, et la notion de rentabilité d’un modèle est toujours plus prise en compte. Les délires des podiums oui, mais seulement si on a des accessoires et des tenues plus « quotidiennes » à proposer en boutique. C’est l’éternelle lutte entre les modèles dits commerciaux, et les autres, un peu plus fous, qui ne seront pas forcément vendus, mais qui sont là pour donner l’esprit de la collection, et l’envie d’acheter… les modèles commerciaux.
C’est l’éternel va-et-vient de mise en valeur respective entre prêt-à-porter et Haute-couture.
Dans l’univers du bijou fantaisie, c’est pareil, il faut penser à la personne qui achètera le bijou, et ne pas écouter seulement son inspiration créative.
C’est un constat que j’ai fait en rencontrant Alison, qui a créé sa marque de bijoux Crézus.
Alison, c’est une jeune Parisienne de 24 ans, qui se lance dans l’aventure de création après une expérience déjà très riche, notamment chez Boucheron, où elle apprend le développement de produits… et le marketing.
Tombée dans la marmite, elle fréquente depuis l’enfance l’atelier de montage de ses parents, dont elle retire un savoir-faire inégalable car fondé sur la pratique, notamment en ce qui concerne la qualité finale d’une pièce.
Ses modèles, Alison les pense véritablement, en cohérence avec l’esprit de la marque, avec une maturité qui m’a d’ailleurs surprise.
L’esprit de la marque, tout d’abord.
Crézus, c’est un univers bling bling, voyant, volumineux, coloré, vivant, fantaisie. L’envie d’Alison au départ : créer des bijoux qu’elle-même rêverait de porter, en particulier des grosses pièces.
La marque de fabrique de Crézus? le cristal Swarovski mat.
Selon un procédé chimique unique en son genre, Alison dépolit elle-même ses pièces pour leur donner une teinte relativement peu vue. (Swarovski en fait, mais pas dans toutes les teintes, et ça reste cher.)
Cette touche personnelle est la manière qu’a trouvé la créatrice de moderniser le cristal Swarovski, aujourd’hui presque galvaudé tant il est omniprésent dans les collections mode, accessoires et bijoux.
Le contraste entre l’esprit Bling et le matériau Mat, c’est bien pensé non?
Parlons collections maintenant.
Pour sa première saison, Alison voulait travailler trois thèmes différents, qui répondent chacun à leur manière à un type de besoins.
– Rosa Bonheur
C’est l’histoire d’une fleur en résine, qui tape dans l’oeil de la créatrice. Naît ainsi une série de colliers plastrons, boucles d’oreilles, bagues, bracelets.
L’univers voulu ? Très 80, chargé, lourd, mais avec une légèreté, une gaité presque enfantines. Dans cette collection, Alison se veut résolument kitsch, volumineuse, voyante. C’est la collection commerciale de la saison, car la plus facile à vendre.
– Rubix
Fidèle à son objectif de jeu de volumes, Alison s’est penchée sur la possibilité d’apporter du neuf aux formes traditionnelles de la bijouterie. Elle a donc cherché à créer des modèles cubiques, par opposition aux nombreuses formes rondes que l’on trouve d’ordinaire. La collection, pensée de manière très géométrique, a été associée pour le marketing, à l’univers du jeu Rubik’s Cube, pour le côté ludique. Ca c’est futé !
La géométrie se retrouve aussi dans l’alternance des teintes utilisées : deux par modèles, dans un jeu d’accentuation.
Cette collection est la plus conceptuelle, et donc la moins commerciale. Mais l’idée assumée était de créer un buzz, par rapport à une forme qui n’existe pas. Une vraie rationalisation Marketing je vous dis !
– Powow enfin, la collection la plus aboutie selon Alison, et celle qui ressemble le plus à ses envie du moment. Le concept? Retravailler l’univers indien, avec une interprétation nouvelle, qui ne soit pas une lecture premier degré des inspirations, à savoir perles, mocassins, franges.
La créatrice a réalisé un gros travail de recherche de visuels, notamment de coiffes d’indiens.
Comme pour ses autres collections, Alison a structuré sa collection :
# toujours un collier du soir, et un collier du jour sophistiqué
# un bracelet du soir, et un bracelet du jour sophistiqué
# des boucles d’oreilles du soir et du jour sophistiquées (clips et clous pour tous les goûts, ça c’est bien pensé !
# une bague du soir (et… vous avez compris)
Pour cette collection :
# des manchettes (LA forme tendance cet hiver).
Cette collection a beaucoup plu, notamment à Eclat de Mode, dont les hôtes et hôtesses portaient le collier plastron en couleurs gris / bleu / blanc.
Les couleurs elles aussi répondent à une construction stricte : les modèles existent en 5 teintes, ce qui fait une collection de 15 couleurs en tout (car les couleurs ne sont pas les mêmes en fonction des collections).
Les couleurs sont choisies selon la logique suivante : trois couleurs sobres (par exemple une gamme de bleus, une gamme de gris, une gamme de rouges), et un multicolore.
Savoir adapter les techniques de marketing à un process de fabrication et de création traditionnelles, à la main, ce n’est pas facile, car souvent les deux s’opposent, mais c’est aujourd’hui indispensable dans un contexte très concurrentiel.
… Pas besoin d’enfoncer le clou, vous avez compris que la démarche de cette créatrice est pensée de A à Z. Rien n’est laissé au hasard. Ce que le marketing ne prend pas en compte, c’est le talent créatif d’Alison, sa capacité à harmoniser des teintes de cristal et de montures pour créer quelque chose de neuf qui prend le relais.
En attendant, j’ai craqué pour cette bague Rosa Bonheur Blanche… Je la mettrais presque pour dormir !!!!!
Les bijoux Crézus sont distribués à Paris, notamment chez Synthetic/Extrême 11 rue Bernard Palissy, et en régions un peu partout (sauf à Lyon!!!! A bon entendeur….. ).
La liste est là.
Et n’oubliez pas de remercier le bulledog qui vous récapitule les points de vente (suivez le lien vous comprendrez).