Ce que j’aime dans la Mode, c’est que le vêtement n’est pas seulement un objet superficiel, destiné à répondre à une convention sociale de ne pas être nu. Le vêtement c’est aussi un vecteur d’émotions, de valeurs, d’idées, et la très belle expo du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon en est un exemple manifeste. En résonance à l’exposition parisienne de 2009 et aux travaux de recherche de l’historienne Dominique Veillon, le CHRD a dévoilé sa nouvelle exposition temporaire dédiée à la Mode en temps de guerre : Pour vous Mesdames.
Au-delà du superficiel, une exposition dédiée à la vie quotidienne des femmes
La seconde guerre mondiale est une période récente, seulement deux générations nous en sépare, et les jeunes publics n’ont pas toujours eu de transmission familiale de cette période-clé de l’Histoire contemporaine. Pour le CHRD, la mode est un moyen fédérateur de les toucher, et de transmettre son message.
L’objectif de l’exposition, un travail de 3 ans! , est de présenter à travers la Mode une partie de la vie quotidienne des femmes pendant les années de guerre, et en particulier sous l’Occupation allemande en France, et à Lyon en particulier.
L’exposition est divisée en deux parties : une partie fiction, qui dévoile des costumes et dessins des films évoquant la seconde guerre mondiale, et une partie plus historique, qui présente des vêtements et objets d’époque.
Les costumes de Un Village Français par Thierry Delettre
Un Village Français est une série de France Télévision présentant chaque saison une année de la guerre. Le travail des costumiers, menés par Thierry Delettre est de retranscrire évidemment la mode de l’époque, un moyen d’aider les acteurs à se mettre dans leur rôle, mais aussi de garantir l’authenticité du téléfilm et son ancrage dans le temps.
Thierry Delettre explique que pour les costumes, il fait bien sûr un très grand travail de recherche et de préparation, qui englobe l’achat de tissus et d’accessoires chinés (les bijoux et sacs sont souvent authentiques!) et le travail de préparation des costumes. Il travaille généralement quelques mois seulement avant le début du tournage, avec des ateliers de couture spécialisés.
Avec un budget de 12 à 15 000 euros par épisode pour TOUS les costumes, figurants y compris, il faut parfois être inventif et créatif ! Les costumes sont généralement inspirés de la période, mais modernisés par une coupe plus simple, une épure qui donne aux costume leur charme intemporel.
Mon coup de coeur de l’expo ? Une très belle robe inspirée par le travail de Balenciaga, la robe longue à broderie de perles de jais sur l’épaule… Magnifique non ?
D’autres costumes sont présentés grâce à un partenariat avec la Cinémathèque Française : la robe de Romy Schneider dans Le Vieux Fusil, celle d’Adjani dans Le Voyage, ou encore le tailleur à carreaux d’Emmanuelle Devos dans Violette.
Pour voir les créations de Thierry Delettre en vidéo :
Une créativité incroyable pour résister et rester digne pendant la guerre
Aviez-vous déjà pensé que pendant la guerre le vêtement pouvait être une arme passive de lutte contre l’occupant et d’affirmation de son opinion ? Moi, pas vraiment, aussi j’ai beaucoup appris en découvrant la collection de nuances de tartans proposées par une maison lyonnaise pendant la guerre.
Affirmer son attachement aux Alliés
Tartan = écossais = région du Royaume-Uni = Alliés de la France.
Porter un tartan est donc un moyen d’affirmer son allégeance à la Résistance !
La créativité de la pénurie
Côté matériaux, les Allemands réquisitionnent très tôt les productions de laine et de cuir françaises. Dès 1941, la fabrication de sacs en cuir est interdite ! Dans un contexte de pénurie, il faut alors trouver d’autres matériaux pour la fabrication des objets de la vie quotidienne, et en particulier les chaussures.
Le bois devient le matériau de prédilection pour les semelles, et les premières recherches esthétiques aboutissent à des sortes de soques évidées, qui vont inspirer les créateurs dans la deuxième moitié du XXème siècle.
D’autres astuces permettent aux femmes de continuer à s’habiller, à rester dignes et élégantes face à l’ennemi : tailleur en rideaux, vestes découpées dans des châles en cachemire, etc.
L’exposition dévoile aussi l’influence de la bicyclette : création des jupe-culottes, généralisation du sac en bandoulière, etc.
La qualité des objets présentés est exceptionnelle, notamment ce sac de femme acheté en brocante par la conservatrice de l’exposition, qui contenait encore TOUS ses trésors, comme une capture d’instant de la vie quotidienne pendant la guerre !
Les vêtements et objets de la guerre sont rares, car la période a fortement marqué les esprits – et pour cause – et les familles de l’époque ne souhaitaient pas se souvenir en conservant les objets. En revanche, les objets liés à la Libération, eux, étaient largement conservés, comme ces mouchoirs et foulards commémoratifs.
Nicolas Fafiotte croque ses tenues préférées
Petit plus : la jeune star des couturiers français participe à sa manière à l’exposition La Mode en temps de Guerre : Pour Vous Mesdames. Il a croqué ses tenues préférées, présentées pendant l’exposition, notamment la robe de Romy Schneider pour la scène du baptème du film Le Vieux Fusil. A découvrir dans sa boutique Rue du Plat, derrière la place Bellecour !
L’exposition « Pour Vous Mesdames : La Mode en Temps de Guerre » au CHRD de Lyon est accessible jusqu’au 14 avril 2014, et accompagnée de conférences et visites très intéressante. Courrez-y pour en savoir plus sur notre histoire à tous !