Isabelle Pain est une directrice artistique spécialisée en Maquillage que j’ai rencontrée à Make Up in Paris l’année dernière.
Suite à cette rencontre, j’avais publié une interview exclusive sur Bulles de Mode. Le changement du site internet en décembre a malencontreusement fait disparaître quelques articles (sur près de 850, difficile de savoir lesquels 🙂 )…. A l’occasion de Make Up in Paris – c’est cette semaine!!!! – j’ai le plaisir de vous rediffuser cet article en exclusivité !!!!
Le métier de Directrice Artistique Maquillage
Un parcours atypique
Comme Dany Sanz, arrivée dans le maquillage par la peinture, Isabelle Pain est arrivée au Maquillage via l’histoire de l’art et le théâtre.
Qu’est-ce qui vous avait donné envie de vous orienter vers le théâtre ?
Il y a un côté spectaculaire dans la transformation, la métamorphose des comédiens pour leur rôle sur scène. C’est l’art du grimage qui m’a poussée à faire une école de Maquillage Artistique, gérée à l’époque par une maquilleuse de cinéma. C’est tardivement en fait que je suis venue au Maquillage Beauté ! Ca m’allait bien aussi parce que quand j’étais ado, j’étais un vrai garçon manqué, ça ne m’intéressait pas.
Comme je ne m’y suis intéressée que plus tard, mon intérêt est vite devenu une passion, je suis devenue comme « boulimique » de maquillage esthétique, pour les marques de Beauté, etc. Quand j’ai commencé, il y a plus de vingt ans maintenant, il n’y avait pas autant de marques de cosmétiques. Il y avait les grandes Maisons parisiennes, qui portaient la Beauté mais qui restaient très inaccessibles.
Je ne suis pas Parisienne, alors quand je suis arrivée dans la Capitale, je me suis orientée vers les corners des grands magasins. Je faisais de l’intérim. Ca m’a plu tout de suite, le rapport direct avec la clientèle.
J’ai travaillé tout d’abord pour la marque Clarins, j’ai eu un vrai coup de cœur pour cette marque et ses produits. Comme je l’ai dit, il y avait peu de marques de cosmétiques à l’époque, mais il y en avait encore moins qui prenait soin de la peau. Clarins avait cette philosophie, ça m’a plu, surtout que je pouvais en apprendre encore plus ! J’ai pu maquiller toutes les femmes, tous les âges, tous les types de peau. C’était une école formidable !
J’ai appris à travailler vite par exemple, à l’école de maquillage on a le temps de peaufiner, pas dans le milieu professionnel!
Quand on travaille avec des clientes, l’important n’est pas que dans le résultat, il faut aussi que la personne se sente belle !
J’ai mis 5 ans avant de maîtriser vraiment le maquillage beauté. Choisir les bons produits pour mettre en valeur tout visage. Le maquillage beauté c’est le plus difficile, surtout quand la personne est déjà très jolie au naturel. C’est beaucoup plus facile de créer un visage, de le transformer comme pour le théâtre ou le cinéma !
Après Clarins, j’ai travaillé pour Chanel puis pour Lancôme. J’ai travaillé dans l’équipe de Fred Farrugia, je coordonnais l’équipe des maquilleurs animation pour le lancement de la première collection de Lancôme par Fred Farrugia, Rouge. Grâce à cette expérience, j’ai découvert le métier de Directeur Artistique.
Ensuite, j’ai travaillé pour la marque japonaise Kanebo, ce qui était très enrichissant parce que leur approche de la Beauté est différente. Je faisais de l’animation et de la formation.
Directrice Artistique Maquillage : création & marketing réunis
Toutes ces expériences m’ont permis de me perfectionner au point de vue technique, mais aussi commercial. Le maquillage reste un produit qu’il faut vendre, avec ses contraintes spécifiques. Les maquilleurs cherchent des produits efficaces, avec un résultat précis. Mais Mme Toulemonde elle, recherche quelque chose de plus accessible, de plus immédiat. C’est un peu comme dans un shooting, les couleurs choisies pour rendre bien ne sont pas les mêmes que celles que l’on porte tous les jours !
Ces deux visions, artistique et marketing quelque part me permettent d’être à l’aise dans les deux milieux : le milieu artistique et le milieu plus structuré, cadré de l’entreprise, avec ses hiérarchies, ses impératifs de vente.
J’ai commencé à travailler pour le groupe italien Deborah, sur le développement d’une gamme de correcteurs de teint qu’ils voulaient tester. Ca m’a beaucoup plu ! Et de textures en applications, j’ai accompagné plusieurs collections, et cela fait maintenant 12 ans que je collabore régulièrement avec eux.
Je travail aussi pour un laboratoire de développement de produits de cosmétiques, Fareva Colors. C’est une autre étape car cette entreprise est encore plus en amont des marques de maquillage. Elle fabrique à façon pour les marques. Pour eux je développe des collections en phase avec les tendances émergents et je cherche à faire évoluer les produits les textures et la gestuelle du maquillage.
Depuis début 2012, le groupe Gade Eden qui développe la marque BIGUINE make-up a fait appel à moi pour re-booster la création couleur et le développement de nouveaux produits. Le teint est en plein développement, un secteur difficile dans la distribution libre accès… mais un challenge passionant à relever !
Le maquillage c’est une histoire de passion?
Oui, absolument ! Je n’ai jamais eu de plan de carrière, j’ai toujours fonctionné à l’envie, en fonction des rencontres, des aventures. C’est à double tranchant, de fonctionner au coup de cœur, dans le milieu du maquillage ça fait « éparpillé » ! C’est comme de faire du maquillage ET de la manucure, comme moi. Pour le milieu, c’est incompatible. Je suis employée en tant que manucure sur les défilés Dior depuis des années, Jean-Paul Gaultier cette année. C’est un vrai plaisir, ça me détend, je continue parce que j’adore !
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Je ne suis pas médiatisée, cela me donne plus de liberté. Contrairement aux Directeurs Artistiques de Marque, qui ont des contrats d’exclusivité et de gestion de l’image. Je suis Directrice Artistique, mais je garde le côté Petite Main, Artisanal de l’artiste.
Comment on gère cette dichotomie artisan – artiste quand on travaille pour une marque?
On met beaucoup de soi, c’est vrai, il faut être créatif, mais on n’oublie jamais qu’on travaille pour une marque. C’est une gymnastique incontournable. La frontière est difficile à gérer parfois. En ce moment je travaille pour trois marques différentes, avec des cibles différentes. C’est un ajustement permanent pour se remettre dans l’univers de la marque à chaque fois. J’essaie de prendre du recul en me projetant dans chacun de ces univers.
Ensuite, pour le processus créatif, je suis une éponge. J’ai une curiosité très large. C’est un rapport quotidien avec ce qui m’entoure, avec la vie. Je prends beaucoup le bus, jamais le métro. Et je me ballade à pied dans Paris, Londres, Milan. Cela me permet de regarder les gens de la rue, de m’imprégner de l’air du temps, d’être en phase avec les femmes d’aujourd’hui, leurs attentes.
Je me nourris du merveilleux, de ce qui est beau, la photo, la nature, la ville, les gens, et ensuite j’ai mes filtres perso, liés à mon parcours. Je trouve très prétentieux de dire « je crée ». En fait on est porté par un environnement, qui est le même pour tous. Un Directeur Artistique c’est plus un catalyseur, qui est capable de retranscrire en couleurs ou en produits ces influences, et de raconter des histoires.
Mon moteur ensuite, c’est l’envie de jouer avec les textures, les couleurs, d’aller un peu à contre-courant de ce qui se fait.
Ca m’amuse !
Pour le magazine Debby Mag, j’avais maquillé Mélissa Mars avec des taches d’encre. J’avais utilisé de l’Aquacolor liquide, que j’avais soufflé à la paille sur son visage. C’était du bricolage, un geste spontané, un résultat imprévisible. Ca m’a beaucoup plu !
Ce qui m’amuse dans le maquillage c’est le jeu entre couleurs et textures le moment bref où l’accident peut être plus créatif que des heures de brainstorming !
Quelles couleurs vont à quelles personnes en maquillage?
Je crois que ça dépend du geste, de l’œil qu’on a. Les couleurs n’ont pas le même rendu dans la palette et sur le visage !
Je pense que le principe de base, qui marche le mieux, c’est la distinction chaud / froid, ou encore or / argent. Mais c’est vraiment du cas par cas. D’où l’importance d’un conseil sur mesure en maquillage !
Quelle est votre trousse de Beauté idéale ?
Pour moi, ce serait un mascara noir extra, et une poudre unifiante, minérale par exemple.
Je pense que chacune doit se faire sa trousse idéale en fonction de ses attentes, de ses besoins. Chaque femme doit se demander ce qu’elle veut mettre en avant et ce qu’elle veut cacher.
Qu’est-ce pour vous la Féminité ?
Je ne sais pas ! La Beauté, c’est peut-être une jolie femme. Être féminine, c’est se sentir bien avec sa beauté, assumer totalement d’être une femme. Je trouve magique que le maquillage soit un partenaire – et pas un dictateur – de sa beauté.
Je pense que la féminité c’est arriver à assumer pleinement sa féminité, utiliser ses atouts, se mettre en valeur.
Que pensez-vous du maquillage masculin ?
Peut-être notre société n’est pas encore prête. Si c’est un outil d’expression, que l’homme s’approprie, qu’il est bien avec, je ne trouve ça ni choquant ni provocant. Cela devrait être plus naturel, moins sujet à moqueries et préjugés.
Quel est votre produit de Beauté fétiche ?
Un parfum, la Féminité du Bois de Shiseido, qui a failli disparaître mais que j’ai retrouvé chez son créateur Serge Lutens… J’ai changé de vie, de mec, mais jamais de parfum !
En maquillage je n’en ai pas, car je teste en permanence les nouveautés.
Si je devais choisir des incontournables : le rouge à lèvres L’Authentique de Rouge Baiser, un pilier qui tient toujours ses promesses.
Pour le mascara, j’ai été étonnée par le 38° de Kanebo. Un mascara qui ne se démaquille qu’avec une eau à 38°! En dessous de cette température, le mascara est waterproof, il a une tenue parfaite. Magique!
Pour le teint, le Luminous Glow de chez Armani. Il a une texture élastique hyper facile à appliquer, et donne beaucoup d’éclat. Il y a aussi les poudres minérales, très pratiques parce qu’elles permettent d’unifier le teint en un seul geste de pinceau, tout en étant plus légères que le fond de teint.
Vous nous parliez de Rouge Baiser, vous avez travaillé pour cette marque ?
C’est une marque magnifique, née en 1927, rachetée en 1994. Le petit fils du fondateur a revendu en 1994 parce que cela ne l’intéressait pas. J’ai participé au retravaille de la marque, à la modernisation de son identité.
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A son apogée, Rouge Baiser c’était le Chic Parisien, incarné par les dessins de Gruau (qui a aussi dessiné pour Dior, ndlr). Avec l’équipe, nous avons travaillé sur tous les axes : les packaging, les visuels, la PLV et les produits biensure … C’était un gros travail !
Pour l’anniversaire de la marque, en 2007, nous avons lancé des coffrets Mme Authentique, en série limitée. Cela a permis à la marque de retrouver de la notoriété. Aujourd’hui elle est vendue chez Monoprix, on la voit régulièrement dans les magazines, c’est une marque qui fait partie de l’histoire de la beauté… ça se passe très bien aujourd’hui.
Y a-t-il une marque qui vous fasse rêver ?
Dior bien sûr. Depuis huit ans je participe aux défilés Haute-Couture et Prêt-à-Porter, et à quelques shooting.
J’ai eu la chance de découvrir l’atelier de M. Christian Dior. Il a été conservé dans l’état dans lequel il l’a laissé. Il n’est pas question de déplacer quoi que ce soit ! Il y a un côté magique, mythique dans ce lieu.
Dior c’est la Belle Parisienne Chic ! Le lien entre beauté et mode m’a toujours fasciné. Je trouve qu’il n’y a pas assez souvent de passerelles entre ces deux univers mis à part des relations très «marketing».
Et puis, Yves Saint Laurent. Il y a toujours eu ce traitement punchy et «chic-issime» de la couleur, une envie que j’assouvis aujourd’hui chez Rouge Baiser !
Isabelle Pain a participé à la conférence sur la Direction Artistique à Make Up In Paris l’année dernière. Pour voir la conférence, c’est par là, et sinon, bientôt de nouvelles infos Maquillage, avec Make Up in Paris cette semaine. Plus d’infos sur Bulles de Mode très vite !
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