Exclusif : Rencontre avec Fred Farrugia, créateur de la marque éponyme.

La ligne de maquillage Fred Farrugia est une gamme innovante et nomade, qui se présente sous forme de modules, et qui s’applique au doigt. 
J’ai eu la chance de rencontrer M. Farrugia au Salon Make Up in Paris en juin dernier, et de lui demander tous les secrets de sa marque… Exclusif !
Comment est née la marque Fred Farrugia ?
J’ai eu le déclic quand j’étais chez Lancôme. Pour la Collection « Rouge », nous avions développé un packaging qui s’emboîtait pour présenter la collection. J’ai continué à travailler sur ce système, et l’ai proposé à la marque. Mais ce projet était trop éloigné de leur image « résultat professionnel », alors que je voulais m’adresser aux femmes « normales ».
Vous savez, ce n’est pas le rêve d’un maquilleur de créer sa propre marque. Ce n’était d’ailleurs pas mon rêve non plus. J’avais juste envie de mener l’idée « au bout ». D’ailleurs la marque que j’ai créée, qui s’appelait à l’origine NEED, ne se voulait pas une marque de maquillage au départ. C’était une histoire de marque centrée sur les accessoires (lunettes par exemple), avec un leitmotiv : faciliter la vie des gens qui l’utilisent. Allier le côté pratique et facile à l’esthétique et à la qualité. 
La rencontre avec Jean-Paul Gaultier a-t-elle influencé votre création ?
En fait c’est toute ma vie, toute ma carrière en entier m’a permis de créer ma marque. 

Lancôme m’a apporté l’excellence, la recherche de qualité. Créer des cosmétiques quand on a déjà été maquilleur c’est plus facile, parce qu’on comprend mieux la lumière, la matière.
Travailler pour Jean-Paul Gaultier a été décisif car cela m’a permis d’être remarqué par Lancôme. J’en suis devenu le  Directeur Artistique pendant 8 ans. 

Je me souviens, notre première rencontre était pour la préparation de son premier show Haute Couture. Mais on n’a pas fait d’essais de maquillage. Il m’a juste apporté des métrages de dentelle ! Alors j’ai détourné la dentelle pour créer un maquillage dentelle. Ce n’était pas nouveau, c’est un perpétuel recommencement. On a tous des idées, des influences, mais on ne copie pas, on apporte toujours quelque chose. On recrée par rapport à un souvenir.
 
L’un de vos plus grands succès chez Lancôme est le produit Juicy Tubes (1998). Comment en avez-vous eu l’idée ?
C’est vrai c’est un succès, avec plus de 3millions d’unités vendues !
Je travaillais sur la Collection « Pollen », je voulais la brillance du miel, et une sensation de lèvre sucrée.  

Quand je suis allé au labo j’ai coupé un tube de gloss en deux pour créer le packaging, ce qui cassait les codes. Lancôme n’y croyait pas. Mais ça a marché 🙂 
Avec le recul (lancement 2008, ndlr), que changeriez-vous ?
Justement je ne sais pas si je changerais quelque chose. J’ai l’impression que ce qui me manque c’est de faire connaître cette marque au plus grand nombre. Il y aura toujours des améliorations à apporter, des choses nouvelles à inventer. Mais le concept ne changera pas : boîtiers clipsables, étui blanc, touches de noir. Parce que c’est rapide, facile d’utilisation, où que l’on soit, n’importe quand. 
Aujourd’hui vous êtes distribué en exclusivité chez Sephora. Quelle est l’histoire de ce contrat ? 
C’est un concours de circonstances !
J’étais à l’époque en discussions avec Marionnaud. Ca a duré un an et demie. Et le Directeur des Achats avec lequel je traitais est parti chez Sephora. Trois semaines plus tard, c’était signé. Nous sommes engagés pour trois ans ensemble. Ils m’ont demandé de choisir mon nom pour la marque.
 
Quelle est votre stratégie de communication ?
Je n’ai pas l’intention de faire de la publicité. J’ai fait un petit film de présentation diffusé sur Daily Motion. On y voit l’équipe de Sephora, avec leur propre palette. C’est un clin d’oeil.
Car c’est bien sûr un travail d’équipe. Comme je le disais à la conférence sur le métier de Directeur Artistique à Make Up In Paris (juin 2011), on ne peut pas travailler seul, c’est forcément un travail d’équipe.
Nous avons aussi des égéries, des modèles pros peu ou pas connus, pas de stars. Parce que j’ai envie de communiquer sur des produits « pour toutes les femmes », montrer cette universalité. 
Quelle est votre vision de la femme d’aujourd’hui? 
C’est assez simple, la femme d’aujourd’hui a plusieurs vies dans la même journée : elle s’occupe des enfants, les amène à l’école, va au bureau, déjeune avec une amie, retourne au bureau, passe la soirée mari. Je veux lui faciliter la vie, pour lui permettre d’être toutes ces femmes à la fois, dans chacun de ces moments. 
Comment créez-vous les produits ? Est-ce d’abord un travail de matières ?
En fait, j’aime les couleurs qui travaillent avec la matière.  Oui, il y a d’abord un travail de la matière. Ensuite on trouve les couleurs.
La couleur doit être profonde, raconter une histoire, elle ne peut pas être plate. C’est pour ça que dans mon rouge à lèvres, il y a de l’or, du bleu. C’est un rouge qu’on ne trouve nulle part ailleurs.
J’aime les mélanges de couleurs audacieux. D’ailleurs c’est pour cela que j’ai créé les ombres à paupières scintillantes : l’idée est de créer une 3ème couleur par fusion / dégradé, facilement. 

 

Quels sont les liens entre maquillage et mode selon vous ?
Je pense qu’il y en a toujours eu. D’ailleurs, pour le maquillage aujourd’hui on fonctionne par collections, comme en prêt-à-porter. J’ai été l’un des premiers à avoir cette approche, chez Lancôme. A l’époque (1997), il y avait aussi Givenchy, mais très peu de marques le faisaient. Aujourd’hui toutes les marques ont ce fonctionnement. En quinze ans, le maquillage s’est énormément rapproché de la mode et vice et versa. Et ce n’est pas terminé. On peut toujours créer, inventer quelque chose, ma marque en est la preuve ! 
Quelles ont été les grandes étapes du projet ?
Ca s’est plutôt bien goupillé, j’ai commencé à réfléchir au projet en 2003, j’ai déposé le concept en 2005, j’ai signé avec Sephora en 2008, et la gamme est sortie en 2009. Tout s’est enchaîné très vite, ça ne laisse pas la place aux doutes ! 
La formule des produits est l’un de vos points forts. Vous êtes-vous entouré pour la R&D (Recherche & Développement) ?
 Non, j’ai tout fait tout seul. C’était un gain de temps et d’argent, mais aussi parce que je voulais une matière qui n’existait pas. Je ne pouvais pas faire de benchmark. Les fabricants me prenaient pour un dingue ! Il y avait tout à faire : créer la matière, définir des règles de fabrication, créer un pack,  réfléchir aux couleurs. J’ai fait les mélanges moi-même. Par exemple, je voulais un fard pailleté, mais sans paillettes. J’ai trouvé la solution en broyant des feuilles de nacre. Ca donne une matière qui pétille, mais il y a une unité de produit. C’était un gros boulot de création, 5 ans de R&D. 
Qu’est-ce qui fait la différence dans la formule par rapport aux autres marques ?
 Je voulais un produit universel et qui se travaille facilement au doigt.  Du coup j’ai travaillé une cire ultra-transparente, à laquelle j’ai ajouté des couleurs ultra flash.
A l’application la matière fond, et atténue les couleurs. On ne voit plus le maquillage, seulement les beaux effets. Une application au doigt permet à la cire de fondre, et de laisser l’effet. C’est à contre-courant de ce qui existe aujourd’hui : le côté universel, personne n’y croit, alors il faut mettre le doigt dedans ! La matière est incroyable, c’est ce qui fait sa valeur ajoutée.
Elle est universelle parce qu’elle est mixte (oui des hommes utilisent mes palettes!), et qu’elle convient à toutes les teintes de peaux, tous les âges.
Elle convient aussi aux climats extrêmes. J’ai maquillé une amie pour son enterrement de vie de jeune fille, et elle est allée au Hammam…. En fait seuls les faux cils n’ont pas tenu ! C’est le pouvoir de la cire, il suffit d’éponger la transpiration, et c’est bon (ne surtout pas étirer !) 
A inventer des produits aussi innovants, n’avez-vous pas peur d’être copié ? 
Au contraire ! Tout le monde s’inspire de tout le monde. Si on me copie, c’est que je suis sur la bonne voie, et qu’on s’intéresse à ce que je fais. Je trouve ça génial ! J’adorerais qu’on copie ma marque !  
 
Les cires utilisées sont-elles naturelles ?
J’ai essayé de choisir des composants les plus naturels possibles. La cire est naturelle, mais d’autres composants ne le sont pas. C’est une problématique qui m’intéresse, j’y fais très attention depuis Lancôme. 
Travailler au doigt… génial, mais est-ce aussi précis qu’un travail au pinceau ?
Pour un maquilleur pro, c’est évidemment plus précis de travailler au pinceau, mais les femmes « normales » ne les manient pas avec leur savoir-faire. J’ai créé cette gamme pour faciliter la vie de ces femmes-là, qui veulent un maquillage sublime en quelques secondes, grâce à la matière. Pour les plus pro, les cakes s’utilisent aussi au pinceau.
Et puis j’ai inventé la « Fingersponge », un outil pour permettre de se maquiller sans s’en mettre partout. L’application est aussi facile que si on avait un doigt nu. Elle a deux faces, pour le côté crème et le côté poudre. 
Le succès de votre marque tient de la formule des produits, mais aussi du design. C’est le designer Ora-ïto qui a conçu votre packaging. Comment s’est passée votre rencontre ?
C’était magique. Comme si cela avait été écrit !
J’ai eu une période difficile pendant le développement du concept. J’ai fait le tour de France des packageurs, je n’arrivais pas à trouver quelqu’un qui me comprenne, et qui me propose autre chose qu’un pack palette-fromage, que je trouvais horrible. J’ai eu un grand moment de solitude et de doute. Alors je suis parti en vacances à Marseille, pour prendre du recul. Là, j’ai pris le ferry, pour aller visiter une île de la baie.
C’est là que j’ai rencontré un jeune homme, nous avons discuté de mes projets. J’étais fan. A l’époque, il n’était pas connu. Je lui ai dit qu’un jour, je penserai à lui pour ma marque.  A mon retour, 48h après, il m’envoyait ses dessins, c’était exactement ce qu’il me fallait. Je n’aurais jamais pensé à faire appel à lui, je n‘avais pas les moyens de m’offrir un designer de talent comme lui. C’est la vie qui me l’a amené !
C’était magique. 
La magie justement, une autre passion que vous partagez avec un autre maquilleur, Max Herlant* ?
Oui, j’ai pratiqué la magie quand j’étais jeune (7-13 ans), j’ai même fait du transformisme. Aujourd’hui, j’en achète encore, je continue pour mes neveux et nièces.
J’ai rencontré Max Herlant par hasard, chez un de mes fabricants, pour qui il travaillait comme conseil. C’est devenu un ami proche. Depuis, on fait souvent les salons de magie ensemble, et on essaie de nouveaux tours.
Il y a aussi de la magie dans mon travail : les choses sont données impossibles, mais elles finissent par se faire ! J’ai comme ambition pour ma cliente un résultat magique, et simple, je travaille les produits, les couleurs, les textures, comme ça. Elle doit pouvoir utiliser le produit comme elle le souhaite. C’est comme pour un tour, dont le trucage est très simple, mais qui en met plein les yeux. 
Où sont fabriqués les produits de la gamme Fred Farrugia ?
85% de la fabrication est Française ou Italienne. J’ai un spécialiste pour chaque élément, le meilleur du meilleur, soit  15 fournisseurs. L’équipe se constitue ensuite de mon associé, et de l’équipe de Sephora, qui gère la logistique de la production et la distribution. 

Quels sont les produits amusants/ innovants que vous avez aimé inventer ?
 Je pense aux ongles fourrure, aux sourcils dentelle, à la palette mix 3 couleurs teint, au papier blush.  
Quel produit auriez-vous  aimé inventer ?
Dans une autre marque ? Les Météorites de Guerlain.
Fred Farrugia, maquillage du futur ? Comment évoluera la marque d’ici quelques années ?
Non, pas une marque futuriste ! Mais une marque du XXIème siècle.

Ce que je veux, c’est qu’elle soit une marque d’aujourd’hui, qui réponde aux besoins des femmes d’aujourd’hui. La marque évoluera avec elles.  Pour cela, nous travaillons encore plus la matière, les couleurs. 

Quelles sont les nouveautés Fred Farrugia pour les Fêtes ?
Nous avons lancé un kit Smoky Eyes en septembre, et pour Noël, il y a le « Midnight Kit », qui permet un maquillage complet, et de le transformer de jour à nuit, grâce à une touche d’argent et d’or.

 
Pour finir, quel est selon vous la clé du succès ?
Je crois qu’un créateur doit être un homme d’affaires, ou alors être bien entouré.
Sa marque on ne la fait pas seul.

Encore merci à M. Fred Farrugia pour sa disponibilité et sa gentillesse ! Merci à Sephora pour les visuels. 

*Tous les articles Anniversaire sont par là, et l’interview de Max Herlant ici !
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